måndag, augusti 06, 2007

Ablogdeen

Une working girl des Highlands, urbaine, doit ramener son père alcoolique clochardeux, qui vit en Norvège, à sa mère mourante à Aberdeen.

C'est avec un synopsis aussi simple d'énoncé qu'on fait les bons road movies. Le tout c'est de convaincre le spectateur qu'il y a un besoin impérieux de faire de la route pendant longtemps, alors que de nos jours on voyage (au sens originel : on se déplace) plutôt le plus vite possible. Le voyage qui dure garde toute sa mystique. Et dans les road movies, il est bien question de cette mystique. Que ce soit dans les comédies ou les drames, d'ailleurs.

Ici on a un road movie du type "acceptation de l'autre", comme Je Règle mon Pas sur le Pas de Mon Père ou Rain Man. C'est un road movie familial donc, et y'a des figures imposées. Par le scénar : l'acceptation de la faiblesse de l'autre, les coups de fils à sa mère pour se redonner du courage, les souvenirs de la jeunesse dorée, quand elle aimait son père, les pétages de plomb devant l'absurdité, ou la vanité, du voyage, puis la découverte de l'autre, de ce qui unit, et finalement le but du voyage qui représente une découverte, la fin d'un voyage intérieur, pour les deux personnages à unir.

Autre figure imposée, les plages musicales, avec travelling sur le paysage. Ici ça ne manque pas non plus : de belles images nocturnes, urbaines, certaines qu'on voit jamais... les plate-formes pétrolières sur la Mer du Nord, scintillantes... Et puis la sale campagne du nord Anglais, on se croirait chez Ken Loach, on survole le quotidien gris et rouillé du goudron.

Et puis, le pilier véritable de ce genre de films, un portrait croisé de deux êtres dont on découvre petit à petit les forces et les faiblesses, force de l'un pendant qu'on voit les faiblesse de l'autre, force de l'autre pendant qu'on voit les faiblesses de l'un. Stellan Skarsgard, un Poelvorde grossi et fatigué, est terrible. Il appelle la pitié, puis la compassion, en homme qui a vu le monde s'écrouler autour de lui. Lena Heady, magnifique, avec un visage qui arrive à être celui d'une fille de 15 ans comme celui d'une femme de 40 ; le naturel, le corps filmé sans affectation, pour rajouter de la spontanéité je suppose. Elle est très très jolie. Plus que dans Imagine Me & You. Pourquoi c'est important : le film repose assez sur le face-à-face des deux personnages, sur la facilité qu'on a à compatir, à s'impliquer, à se laisser convaincre. Et, voir une fleur chiffonnée, se prendre des mandales jusqu'à en avoir le nez pété, ça crée une figure de style tout à fait intéressante. L'autre métamorphose/figure de style étant celle du clochard antipathique en costumé blessé et embarrassé.

Stellan Skarsgard, qui est Suédois, joue un norvégien, Charlotte Rampling, Anglaise élevée en France, Lena Heady, Anglaise élevée aux Bermudes, dans le Yorkshire et à Londres, et Ian Hart, Anglais de Liverpool, jouent des Ecossais. D'où le terrible accent écossais. Avec les "ou" qui tirent sur le "eu" et les "o" qui tirent sur le "ou", les "eu" qui tirent sur le "o", les "ay" qui tirent sur le "i" ou le "é", et les diphtongues qui shtoiiing par en-dessous.
Le premier est le Scandinave de service pour les superproductions américaines qui ont besoin d'un Scandinave (King Arthur, Beowulf & Grendel) ; il poursuit Sean Connery dans A la Poursuite d'Octobre Rouge et vogue aussi dans Amistad ; d'un côté moins hollywood, il joue dans Good Will Hunting et Breaking the Waves. Charlotte Rampling était l'égérie des Italiens quand leur cinéma guidait le monde, puis actrice française abonnée aux vieilles bourges sèches (et je viens d'apprendre qu'elle était l'épouse de Jean-Michel Jarre avant que ce soit Isabelle Adjani -- et maintenant c'est Anne Parillaud puuuutain). Ian Hart est encore plus intéressant : avant son 'grand' rôle de Professeur Quirinus Quirell dans Harry Potter et le Caillou du Spellcaster (c'est celui avec Machin derrière la tête), il avait montré sa bonne bouille et ses grandes oreilles dans The Englishman Who Went Up a Hill but Came Down a Moutain (Shell-shocked Jones), Enemi d'Etat (l'un des détectives), Michael Collins (celui avec Liam Neeson). Lena Heady a joué dans 300 (la reine Gorgo), les Frères Grimm (la chasseresse), Imagine Me & You.

> > > Spoilerchan on < < <

Si je peux faire un reproche cependant, c'est sur une petite pirouette du scénario. Ce coup d'accident de voiture, les flics fouillent la boîte à gants, et embarquent le père... Ca tient pas : d'une part, les héros sont vraiment pas en tort, et elle peut tout à fait dire qu'elle a klaxonné pour appeler son père -- c'est ce qu'elle faisait, nonobstant le gars au milieu de la route. Il n'y a pas tentative d'homicide à coup de klaxon. Et elle aurait très bien pu klaxonner pour prévenir le type qu'il allait se faire écraser. On peut me dire : oui mais ça tient pas devant les flics, elle peut mentir. Mais y'a des témoins, plein, et ils pouvaient dire que la voiture fautive était pas blanche. Ou que la voiture blanche était garée pendant l'accident ; ils l'ont vue puisque ça doit être les témoins qui ont signalé la voiture que les flics ont poursuivie jusqu'à trouver les héros sur un parking d'hôpital bien plus loin. Ensuite, on trouve un gros sachet de dope dans la boîte à gant. Ca c'est délirant : depuis le début elle cache sa blanche, on voit ça quand elle passe la douane. Et puis elle a déjà vendu le sachet qu'elle gardait dans sa ceinture : pourquoi elle en aurait laissé un deuxième traîner dans la bagnole ? Après ça, je ne pense pas qu'on foute quelqu'un en prison pour consommation de drogue. Pour du traffic, oui, mais là y'en avait pas des masses. En plus ça aurait demandé une enquête des Stupéfiants, qui auraient très vite reconstitué le parcours des deux depuis la Norvège (tickets, témoins). Et puis, pour ces quelques grammes, un petit séjour est tout à fait suffisant. Enfin, c'est le but de la manoeuvre qui me chiffonne le plus : pourquoi en mettre un en prison ? ça demandait pas ça. Cette fin-là sent son "allez, on leur rajoute encore une misère pour faire bonne mesure". Et j'apprécie pas, c'est gratuit ; c'est du pathétique plus que du dramatique. Pasque vraiment, on n'avait pas besoin de les envoyer en prison pour qu'elle lui renvoie l'ascenseur, ou qu'on aie la dernière petite scène sur la vraie paternité.

Et puis je viens de lire, toute les scènes urbaines du film ont été tournées à Glasgow alors que ça se déroule entre Londres et Aberdeen. C'est dommage. Avec ça, comme signalé plus haut, l'accent qui est paraît-il pas convaincant. Dommage.

> > > Spoilerchan off < < <

On ne sort pas de là grandi, ni vraiment philosophe. Un peu songeur, mais le film n'est pas une pierre blanche, une grand réflexion, ou une piste sur la Réponse à l'Univers, la Vie, et le Reste. C'est un tableau que l'on peut garder dans une chambre, à voir et revoir quand on est d'humeur, pour manger de la vie des autres et s'en nourrir. Et puis il y a des scènes relativement déchirantes et d'autres relativement soulageantes. J'aime bien Ian Hart. J'aime vraiment Ian Hart.

Je retiendrai en assez bon représentant du film, la bande son. Il y a tout au long du film une musique intimiste, lancinante, jolie, qui s'étale sur plusieurs scènes à différents volumes. Du saxo alto, de la guitare, du piano de chambre, un peu d'électro légère, toute une ambiance de nuit. Et cette chanson de Chet Baker, qui m'envole vers mon petit présent, et qu'on peut chanter à celles :

I get along without you very well,
of course i do,
except when soft rains fall
and drip from leaves, then i recall
the thrill of being sheltered in you arms,
of course i do,
but i get along without you very well.

I've forgotten you just like i should,
of course i have,
except to hear your name or someone's laugh,
that is the same,
but i've forgotten you just like i should.

What a guy, what a fool am i,
to think my breaking heart could kid the moon
what's in store, should i phone once more?
no, it's best that i stick to my tune

I get along without you very well,
of course i do,
except perhaps in spring, but i should
never think of spring,
for that would surely break my heart in two.

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